Il pleut sur Nantes

À l’heure où je commence cette lettre pour vous rejoindre, il pleut sur Nantes. Le temps est triste comme l’époque que nous vivons, car cette fichue pandémie nous a gâché la vie durant cette année qui s’achève. Elle nous a surpris, et nous sommes tombés dedans, comme Astérix dans sa potion magique ; neuf mois plus tard, nous avons encore bien de la peine à nous en sortir. Nous nous pensions forts, à l’abri de tout ennui et, soudain, patatras… Maudite pandémie qui occupe nos pensées, nos conversations, nos lectures quand nous ouvrons notre journal quotidien, nos informations du 20 heures…

Pourtant, tout n’est pas perdu. Je le crois, le soleil est toujours là ; même s’il est caché à nos yeux, il reviendra demain. La joie est aussi toujours là puisqu’il y a cette naissance que nous célébrons depuis plus de 2000 ans, et qui nous dit que la vie est plus forte que tout. Noël, c’est encore et toujours la fête de la vie, la fête de l’avenir ouvert devant nous, si nous acceptons de ressembler aux bergers qui croient au miracle et se mettent en route pour Bethléem.

Je vous souhaite à tous un joyeux Noël, même si cette lettre arrivera très en retard chez beaucoup d’entre vous… Mais ce retard n’est pas bien grave. Car Noël, ce n’est pas seulement le 25 décembre. Noël, c’est chaque jour, si nous le voulons bien, partout où la vie l’emporte parce que l’on s’aime et que l’on accepte de partager un peu de ce que l’on a et de ce que l’on est.

Et je voudrais introduire ici un texte que j’ai moi-même reçu d’un ami voici quelques jours.

IL N’Y AURA PAS DE NOËL ?

Bien sûr que si ! Plus silencieux et plus profond, 
Plus semblable au premier dans lequel Jésus est né, dans la solitude. 
Sans beaucoup de lumières sur terre, mais avec celle de l’étoile de Bethléem, 
illuminant des chemins de vie dans son immensité. 
Sans parades royales colossales mais avec l’humilité de nous sentir 
des bergers et des jeunes à la recherche de la Vérité. 
Sans grandes messes, et avec des absences amères,

mais avec la présence d’un Dieu qui emplira tout.
Noël aura lieu parce que DIEU est de notre côté et qu’il partage,
comme le Christ l’a fait dans une crèche, 
notre pauvreté, nos épreuves, nos pleurs et nos angoisses. 
Noël aura lieu parce que nous avons besoin

d’une lumière divine au milieu de tant d’obscurité. 
NOËL AURA LIEU! 
NOUS CHANTERONS DES CHANTS DE NOËL ! 
DIEU VA NAÎTRE ET NOUS APPORTER LA LIBERTÉ !

Ce texte a été écrit par un prêtre espagnol, et le pape François a tellement apprécié qu’il a pris son téléphone pour lui dire simplement « merci ».

            Et je continue en vous partageant la nouvelle. J’ai désormais une double résidence. Trois jours aux Naudières dans une communauté des Missions Africaines, et quatre jours aux Dervallières, dans une paroisse du nord-ouest de Nantes, où la population vient de partout, mais particulièrement d’Afrique du Nord ou de l’Ouest. Dans cette paroisse, je travaille avec John, un Nigérian, qui est le curé, et Roger, un Breton, qui le seconde à plein temps. Et nous formons une bonne équipe.

            La communauté paroissiale n’est pas très importante, comme c’est le cas un peu partout aujourd’hui. Et tout n’est pas toujours simple, vous l’imaginez bien ; il y a des tensions, quelquefois assez fortes. Mais il s’y vit également de très belles choses. Je pense à tous ces laïcs engagés dans le catéchuménat, la préparation au baptême et au mariage, l’accompagnement des familles en deuil, l’animation des messes dominicales, le fleurissement de l’église… D’autres se retrouvent dans des mouvements, des groupes de réflexion biblique et de partage, des associations qui proposent une entraide aux gens dans le besoin…

            Il se passe quelquefois des choses étonnantes qui forcent l’admiration. Une femme était pratiquement à la rue après le décès de celle qui l’hébergeait. Nous avons lancé un appel à l’église : quelqu’un serait-il disponible pour lui ouvrir la porte de sa maison et l’accueillir ? Une maman, déjà âgée, s’est manifestée : « j’ai de la place chez moi ; laissez-moi quelques jours pour que je range quelques affaires, et je pourrai l’accueillir. » Cette disponibilité m’a paru impressionnante, en ce temps où la peur nous guette.

            Je pense aussi à ce jeune qui a choisi le métier d’aide-soignant. Il travaille aujourd’hui dans un EHPAD, près de personnes âgées. Ce n’est pas toujours facile d’être attentif et délicat avec les résidents, car le travail met la pression sur les soignants. Il a compris que beaucoup de personnes âgées sont heureuses de participer à la messe du dimanche à la télévision. Encore faut-il être capable d’allumer son poste et trouver le bon canal ! Alors, lorsqu’il est de service, il passe dans les chambres pour proposer son aide et, mieux encore, il essaie de ne pas revenir trop vite pour les soins tant que la messe n’est pas achevée. Un simple geste, et on se sent mieux. Cela aussi m’a semblé merveilleux.

            Je termine en vous disant que, si notre communauté paroissiale est plutôt grisonnante, comme moi d’ailleurs, aussi étonnant que cela puisse paraître, de jeunes couples sont arrivés ces derniers mois avec leurs jeunes enfants. Ces derniers mettent quelquefois un peu d’ambiance dans les célébrations. On sent qu’ils voudraient chanter et danser… A bien y regarder, l’avenir est en marche, et le soleil n’est peut-être pas bien loin !

            Je vous souhaite à toutes et à tous, à vos familles, un joyeux Noël et une bonne année 2021. Qu’elle soit plus lumineuse que celle qui s’en va !

            Que la paix et la joie de Dieu nous accompagnent tout au long des jours qui viennent !

André Moriceau, sma