Silvano Galli, Père SMA au Togo nous partage un moment fort :
“Je me fais accompagner par le jeune Robert, un enfant de coeur éveillé qui tous les samedis me donne un coup de main pour ramener la valise-chapelle à la mission après la messe chez les malades au village. Nous devons traverser les champs pour atteindre le quartier Akonta, au milieu des bois. Le chemin est entouré de tiges de mil et de maïs maintenant mûres, prêtes à être récoltés. Nous nous dirigeons vers la maison de la disparue, Bamela Antoinette Manaba, décédée le 3 octobre au Togo. Pour faire les funérailles et les cérémonies funéraires et ils ont attendu que toute la grande famille soit réunie.
Biographie d’Antoinette :
Antoinette est née vers 1930 dans le nord du pays, à Ténéga. Marié à Charles Alou Badjabani, le couple s’installe au sud, à Tcharébaou, vers Blitta. Les deux sont des agriculteurs. En 1960, la famille se déplace à Kolowaré, pour des raisons de santé du mari. Depuis lors, ils vivent à Kolowaré. Ils se marient dans l’église de Kolowaré le 9 Août 1987. Son mari meurt il y a dix ans, exactement le 3 Octobre 2007. Ils ont eu huit enfants, dont six en vie, 35 petits-enfants et 19 arrière-petits-enfants.
Les invités :
Un grand arbre nous tend les bras. Il est juste à côté des maisons pour nous accueillir. C’est là que sont rassemblés les invités, les membres de la famille et divers groupes, distribués dans deux cours,. La fête et le banquet sont ouverts à tous. Certaines femmes nettoient des casseroles et des marmites, d’autres portent des bassines de nourriture et de boisson sur la tête. Je passe saluer les différents groupes assis sur des bancs ou sous les arbres. Ils m’offrent leur bol de bière et ils m’invitent à boire et à manger avec eux. Je m’arrête, j’échange quelques mots, et je dis : di na mo noo “mange avec ma bouche, mange pour moi, en mon nom”. Un groupe de femmes de la famille est regroupé sous quelques arbres. Je m’arrête un moment avec elles. Ici aussi, je suis invité à fêter avec elle, à boire ensemble. La famille est grande et a une deuxième maison pas loin. Les invités sont dispersés dans les deux grandes cours. Un auvent, recouvert d’une toile, a été mis en place. Il y a là les différentes associations, les chorales. Une dame passe et sert de la nourriture et des boissons. Pas loin, sous un arbre, le groupe de catéchistes avec le conseil paroissial. Les collaborateurs directs. Je m’approche, je salue, quelques échanges, et continue les visites.
Banquet et prière :
La famille m’attend, pas loin. Ils avaient aménagé, sous quelques arbres, un coin avec de la nourriture, des boissons et une bouteille d’alcool. À côté de la table, un bidon blanc de bière. Et ici je dois m’arrêter. Je prends place au milieu des enfants : Nicodème, Pierre, Dominique, Paulin, Anne, Salomé, les petits-enfants Emmanuel et Gérard et d’autres membres de la famille. Le soir, à 17 heures, nous nous retrouvons pour prier le chapelet pour le défunt et toute la famille. Au premier rang, quelques petits enfants de la famille, puis la famille et le groupe de fidèles avec les Soeurs. Nicodème, le premier fils, anime le chapelet.
Un proverbe kotokoli :
Il nous rappelle que la mort avale l’homme, mais pas son nom et sa réputation. Et un autre: c’est la personne qui meurt, pas son nom. La mort est considérée en étroite liaison et en communion avec la vie : elle n’est que son prolongement. Le banquet funèbre et le culte collectif du défunt, deviennent un moment fondamental où toute la grande famille, les proches, et les amis se réunissent pour se retrouver, réfléchir et prendre des décisions. La perte d’un être cher n’est pas seulement liée à la douleur, mais aussi à la joie de pouvoir participer à des rituels qui communiquent avec l’au-delà. C’est la fonction du repas funéraire, célébré par les parents et les amis dans la maison du défunt, qui continue d’être présent, il est le « convive invisible » : il est l’élément de cohésion, et aussi le « rassembleur », celui qui renforce les liens de solidarité et d’appartenance.
Nous terminons avec un mot d’Amadou Hampaté Bah : “La mort n’existe pas dans la civilisation africaine. Elle est perçue comme un simple déménagement. On quitte une demeure pour une autre. Dans la philosophie africaine, la mort n’épuise pas l’âme, même si elle épuise le corps. Je ne voyage jamais sans mon linceul bien rangé au fond de ma valise, car j’attends la mort à tout instant. Elle ne me surprendra pas. (…) pour moi, la mort n’est pas une ennemie.” ”
Silvano Galli