De retour du Sénégal

Le père Gérard Sagnol, de retour du Sénégal nous raconte son voyage.

J’ai eu la chance d’accompagner au Sénégal la famille Bozon en visite chez leur fille Lucile, son mari Étienne et leurs trois enfants, présents dans ce pays depuis 7 mois.

Première étape : le Portugal

Parti de Nantes, j’ai eu une escale de 8 heures à Lisbonne, et me suis offert une balade dans la ville avec un ciel superbement bleu. Le métro arrive jusqu’à l’aéroport. J’étais devant le distributeur de billets me demandant comment m’y prendre pour acheter le bon ticket et voilà que mon ange, par l’intermédiaire d’une voyageuse, vient déposer un ticket sur le distributeur. Je l’essaye, ça marche ! Je prends la ligne directe jusqu’au terminus sans savoir exactement où j’allais tomber. Je suis arrivé au pied d’un mont, habillé d’un grand jardin public, le parc Edouardo. Arrivé au sommet, j’aperçois la mer, je descends dans sa direction à travers une sorte de champs Élysée qui faisait suite à un jardin majestueux. Le voyage commençait sous de bons auspices (et non hospices, même s’ils sont bons).

Nous avons atterri vers 1h30 du matin, et sommes arrivés à la maison vers 3h, température 24° fort supportable car climat sec. Je n’ai pas retrouvé les sensations que j’avais connues en Côte-d’Ivoire et au Bénin, où à la descente de l’avion, vous aviez l’impression que l’on vous posait sur le dos une épaisse couverture chaude et humide.

L’harmatan, vent du désert, a soufflé quelques jours réduisant la visibilité semblable à de la pollution, c’est un nuage de sable fin qui s’infiltre partout et se dépose incessamment malgré les nettoyages répétés des surfaces.

Les retrouvailles

Quel plaisir de se revoir après une si longue attente. Joie partagée, accueil chaleureux, ambiance de fête, oui c’était vraiment la fête des retrouvailles, les enfants retrouvent leur cousin Melchior, ainsi que leurs papy, mamie, tatie et tonton. Embrassades (pas encore de coronavirus), échanges de cadeaux et des nouvelles. Tout le séjour a été soutenue par une chanson rythmée entrainante : A.I.E. A Mwana (en référence au film “Venise n’est pas en Italie”) que l’on écoute dans la voiture et que l’on chante à tue-tête. Pas de grands déplacements à l’exception de Saint-Louis où nous avons passé deux nuits dans une grande maison rouge, louée sur Airbnb (ici aussi ça fonctionne).
Maison fort bien située sur la langue de Barbarie entre la mer et le fleuve. Un gardien merveilleux, Omar, à nos petits soins, toujours attentifs à nos besoins et de conversation agréable.

Je me souviens du village des pêcheurs

20 000 habitants sur 3 000 mètres carrés. Ce village m’a subjuguée avec la place des femmes dans la société, commerce et éducation, le nombre d’enfants exponentiel : 80% d’enfants de moins de 10ans, l’impression que ça grouille de monde avec ce mélange humains/animaux, les moutons allongés le soir sur les marches des maisons derrière les gens parlant haut et fort les uns avec les autres. Les chèvres se nourrissant de sacs plastiques dans les décharges à ciel ouvert. Les garçons ne vont pas à l’école car le seul métier pour eux sera pêcheur. Les filles par contre ont le droit d’étudier. Le pont qui les sépare du reste du Sénégal, leur vie sociale et politique paisible, gérée par les sages du village. Les plages grignotées inexorablement par l’océan et menaçant à terme l’habitat de la population.

Annick

Visite du Vieux-Saint-Louis

La visite du Vieux Saint-Louis s’est faite en calèche avec un guide fort cultivé et intéressant. Il s’est plaint que les maisons coloniales tombent en ruine à cause du mépris de certains pour ces signes du temps des colonies. Des maisons construites en briques et bien conçues pour préserver la fraîcheur au plus fort de la journée. Cela donne des quartiers qui semblent à l’abandon.

Contrôle policier

Le retour de Saint-Louis a connu un épisode épique, notre chauffeur nous avait prévenu : lors d’un contrôle policier, il ne faut surtout pas dire que la voiture est louée mais qu’elle nous a été prêtée par un ami. Ce qui devait arriver arriva, à un des rares contrôles que nous avons subis, le policier me demande si la voiture était louée, je lui dis que c’est un ami qui nous l’a prêtée. La carte grise en main, il me demande le nom du propriétaire, j’étais bien incapable de le lui donner. Je lui explique que ce sont nos amis hébergeurs qui ont emprunté cette voiture à un ami. Notre chauffeur défendant la même thèse auprès de l’autre policier. Pour me justifier, j’appelle Lucile restée à la maison et je passe le téléphone au policier. Celle-ci non plus n’a pu donner le nom inscrit sur la carte grise et avoue qu’elle l’a louée.
Mais elle a salué le policier en wolof, ça l’a radouci et elle a demandé pardon. Pardon accepté, par contre l’autre policier s’est acharné sur Dior, le chauffeur, l’accusant d’avoir menti. Finalement, le premier persuade le second de nous laisser repartir sans aucun procès-verbal ni même bakchich. Dior, par contre a été fort mécontent d’avoir été traité de menteur à cause de nous.

L’islam au Sénégal

Au Sénégal, malgré le chant matinal des muezzins, on ne sent pas une présence écrasante de l’Islam. La quo-habitation avec les autres religions est sereine, en comparaison avec le Niger, où ces dernières années, les fondamentalistes ont une forte influence sur la religion. Notre guide nous expliquait que cette tolérance venait de la religion traditionnelle qui demeure bien présente dans l’Islam et le Christianisme. Je veux bien le croire car les religions animistes ne sont pas exclusives comme les religions monothéistes, elles accueillent toute religion qui peut
augmenter la force vitale, sans pour autant renoncer à elles-mêmes.

En chaloupe pour Gorée

Pour la visite de l’île de Gorée, nous avons pris une voiture avec chauffeur, c’est plus prudent. Voyage sans problème, il nous a fallu pas loin d’une heure pour traverser Dakar (bouchons à toute heure) et atteindre l’embarcadère pour prendre “la chaloupe” en direction l’île de Gorée.
L’île de Gorée est mignonne avec ses ruelles qui serpentent au milieu de maisons aux couleurs vives. Ce quartier m’a rappelé le village des pêcheurs de Trentemoult sur la Loire à Nantes. L’île de Gorée, serait le lieu d’où sont partis des millions d’esclaves de l’Afrique de l’Ouest en direction des Amériques. Mais les historiens mettent en doute cette affirmation et le lieu de détention qui attire beaucoup de touristes, auraient été un simple entrepôt.

Maison des esclaves à Gorée

Dans tous les cas, il est certain que l’île de Gorée a vu transiter des esclaves et que ceux-ci ont été entassés et, c’est bien le mot, dans des conditions inhumaines dans des « esclaveries » avant de partir en bateau vers la contrée de leurs acheteurs… Du coup, peu importe le volume de personnes et le fait qu’il s’agisse bien de cette maison précisément ou non, l’histoire est dans tous les cas extrêmement tragiques et mérite d’être rappelée. Et tant mieux si Gorée offre un lieu symbolique pour le faire.

Merci le Guide du Routard

À la recherche d’un restaurant pour nous sustenter, le “guide du routard” en main, nous sommes abordés par un quidam qui nous dirige vers son restaurant et nous montre qu’il est signalé dans le guide. À l’affiche premier prix, proposé à 3 500 frcfa (pour calculer la valeur en euro, c’est simple : on divise par mille et on rajoute à ce nombre la moitié de sa valeur : 3500 fr.cfa → = 3,5 + 1,75 = 5,25 €) mais lorsque l’on choisit les plats dans cette catégorie, il n’y en a plus, tout est plus cher ! Patrick s’en va interpeler le patron. Il répond : « Comme vous avez le guide du routard, je vous les prépare au premier prix». Finalement, nous n’avons pas été déçus car ce fut très bon.

Les rencontres

Ce sont plutôt des impressions que je peux partager. On ne sent aucune agressivité, ni harcèlement de la part des gens, tout au plus de l’indifférence surtout à Ngaparou, lieu réputé pour “le repos du guerrier” blanc. Nous croisons de nombreux toubabs (nom pour désigner le blanc, expression
que l’on retrouve aussi en Côte-d’Ivoire) aux cheveux gris avec de jeunes sénégalaises. Certains ont même des enfants métis en bas âge. Il y a les enfants talibés qui sillonnent les ruelles et vous accostent mais sans trop insister.

Au Sénégal, le talibé est généralement un garçon âgé de 5 à 15 ans, issu d’une famille pauvre souvent rurale, confié par ses parents à un maître coranique (ou marabout) afin que celui-ci se charge de son éducation religieuse. Cette éducation a lieu dans un daara, une école coranique. En contrepartie, le talibé doit s’acquitter des travaux domestiques, et est généralement contraint à mendier dans les rues afin de subvenir à ses besoins et aux besoins de son maître et de sa famille.

Il est vrai que nous avons vécu en milieu relativement clos. Les rares personnes sénégalaises que nous avons fréquentées se sont révélées d’une grande délicatesse à notre endroit, très dévouées et à l’aise avec nous.
À la maison des Noël, nous avions Ibraïma, le gardien, chargé de veiller sur la maison et d’entretenir la cour intérieure et la piscine. C’est un jeune qui rêve de venir en France, il a fait plusieurs tentatives. Il essaie de mettre de l’argent de côté mais doit aussi s’occuper de sa maman. Il a été très attentifs à nos besoins, toujours disponibles et foncièrement bon, si bien que le soir, de nombreux gardiens, se retrouvent autour de lui devant la maison pour partager le thé. Quotidiennement, il nous offre le thé vert avec grande habileté à verser ce liquide d’un verre à l’autre pour l’aérer. Il veille aussi à donner à boire chaque jour à une vache qui erre dans la ville.

J’ai déjà parlé de Dior, notre chauffeur expert, qui nous a évité la panne fatale sur la route de Saint-Louis. Au départ, très réservé même avec Annick qui a le don de se faire s’épancher les coeurs les plus fermés, il s’est finalement ouvert et nous a même conduit dans sa famille pour partager un repas que nous avons pris avec lui et un de ses frères. Sa femme et ses enfants partageant le repas sur une autre natte, en retrait.

À Saint-Louis, Omar nous a accueilli dans la maison louée Airnb, lui aussi aux petits soins pour nous. Un matin, je me trouvais enfermé dans la maison, ne voulant pas réveiller mes amis, du balcon, j’interpelle Omar, qui malheureusement n’avait pas la clef non plus. Il m’a envoyé un paquet de café pour que je puisse patienter. Il nous a offert aussi une bouteille de vin reçue d’autres touristes, lui musulman, il ne peut la boire. Toujours souriant et soucieux de nos moindres besoins, c’était un plaisir de le retrouver après nos ballades touristiques. Deux femmes, fréquentent la maison des Noël, une pour l’entretien des bâtiments qui ne sont pas petits et l’autre pour préparer les repas et assurer de menus services à la maison. Ces personnes que nous avons côtoyées régulièrement se sont montrées très affables, généreuses et souvent pleines d’humour.

Le Paysage

Le paysage que l’on a découvert le long de notre parcours est principalement de la savane, parfois de la savane arborée, mais les arbres qui subsistent ce sont les baobabs car ne donnant pas un bois intéressant pour la chauffe ou les constructions, ils ont été préservés au détriment de tous les autres arbustes en droit de se développer dans cette région. Nous avons pu découvrir ainsi la différence dans une forêt classée, protégée grâce à la réserve des animaux car clôturée, ce qui empêche le pillage du bois. En pirogue, nous avons découvert de belles mangroves habitées par de nombreux volatiles avec d’étroits passages sinueux obligeant la pirogue à revenir en marche arrière.

La polution

Le pays essaie de lutter contre la pollution des plastiques mais c’est une tâche titanesque au regard des déchets qui polluent le pays. Par exemple, il est maintenant interdit de vendre des berlingots d’eau fraîche mais aucune alternative n’est, pour l’instant, proposée. Sur la plage de Saint-Louis, près de notre maison, il y avait un “rasta” artiste et poète qui logeait dans une cabane avec, pour décoration, des slogans invitant au nettoyage de la plage ; il avait accroché à un arbre, une poubelle à cet effet. Le résultat ne semblait pas concluant, la plage paraissait toute aussi polluée que les autres visitées.

Les routes

Les routes que nous avons empruntées étaient pour la plupart en très bon état. Pas ou peu de nids de poule, du moins sur les axes principaux mais de nombreux “gendarmes couchés”, souvent imposants, pour la sécurité. Il y a des autoroutes payantes, on peut même utiliser un pass automatique. À l’exception d’un car brulé à un rond-point, nous n’avons pas vue de carcasses abandonnées le long des routes comme c’est le cas au Bénin ou en Côte-d’Ivoire. En ville, la plupart des voitures courantes sont cabossées et il existe encore des taxis camionnettes avec des apprentis-calés accrochés à l’extérieur du véhicule. En Côte-d’Ivoire, on leur avait donné ce nom car ils étaient chargés de mettre la cale sous la roue dès que le véhicule s’arrêtait. Pour devenir chauffeur, il faut commencer comme “apprenti-calé”, laver les voitures avant d’être initié et suivre une formation, ce fut le parcours de Dior. De nombreuses calèches ou remorques tirées par des chevaux circulent dans la ville, il y a aussi quelques ânes bâtés. (Je ne parle pas de moi, ni de vous bien sûr !)



P. Gérard Sagnol, sma