Quelques mots pour partager avec vous notre chemin de Carême en partant de certains rituels kotokoli. Nous avons fait nos cérémonies en réfléchissant sur ces rites.
« Prends un œuf, mets-le dans une calebasse et vers 4 heures du matin, va le déposer à un carrefour, ajoute aussi quelques pièces de monnaie. Ou bien prends un poussin, tu le transperces avec des aiguilles et tu le places au milieu d’un carrefour. Ce n’est pas obligé de le transpercer avec des aiguilles, mais c’est plus sûr, celui qui le ramassera, mourra. » C’est Gaston, le président de la légion de Marie, qui m’explique ces pratiques traditionnelles. Et il continue : « Tu peux aussi prendre un poulet, le frotter avec de l’huile de palme, afin qu’il devienne plus agréable au goût, puis le placer à un carrefour. Dans tous les cas, c’est l’Alpha (le guérisseur) qui te dira exactement ce que tu dois faire, en fonction du problème que tu lui présente et dont tu veux te libérer. Il fera les rites, il prononcera des formules magiques et transférera tes malheurs sur le poulet. Celui qui le récupérera, prendra également tous vos problèmes, tout ce qui gâche ta vie, et tu seras libre et tranquille ». Voici alors le proverbe Kotokoli qui met en garde les imprudents :« si tu ramasses le coussinet que tu trouves à la croisée des chemins, tu ramasses des problèmes ». Les matériaux, le plus souvent, sont transportés sur un petit coussinet déposé sur la tête qu’on laisse ensuite au carrefour.
Cette année, pour les Cendres, nous nous sommes encore inspirés de ces pratiques traditionnelles que tout le monde pratique encore, musulmans et chrétiens compris, pour les vider de leur sens négatif. Vers 16 h nous nous sommes réunis dans l’église pour prendre conscience du geste que nous étions sur le point de faire. En procession, avec des chants pénitentiels, nous sommes alors partis en dehors du village, à la croisée des chemins.
Tout le monde avait dans les mains les vieux palmiers de l’année précédente, que nous avions dans nos maisons. Ces branches ont été témoins de tout le désordre, des saletés, du mal, du péché, qui est entré, dans nos maisons, et dans le village au cours de la dernière année. Avec un geste symbolique, nous avons montré notre volonté de nous libérer, d’enlever du village, d’éliminer toutes les saletés, le négatif, le mal, accumulé au cours de l’année, en le ramenant dans son lieu d’origine : la brousse, la foret, là où vivent les animaux sauvages, les serpents, et selon les mythes locaux, les génies, les esprits, les forces numineuses, la mort.
Nous aussi, comme dans les rites traditionnels, nous avons déposé au carrefour nos « effets personnels », symbolisés par les vieux palmiers. Mais il ne s’agit pas de transférer à d’autres nos malheurs, mais de les éliminer, les détruire, les brûler, les faire disparaitre. Tout le monde, donc, dépose personnellement sa palme au milieu du carrefour. Les palmiers ainsi recueillis sont brûlées. Avec ce geste, nous demandons au Seigneur de brûler avec le feu de son amour, tout le mal qui est en nous et autour de nous, et nous lui disons notre volonté de coopérer avec lui pour éliminer ce mal, et de repartir sur des bases nouvelles.
Le Carrefour, la Croisée des Chemins, propose plusieurs chemins possibles que nous pouvons entreprendre : il y a des choix à faire. Seule la Parole de Dieu nous montre les bons chemins, les chemins de la vie. Les contes nous rappellent que certaines personnes, mettent en œuvre tous les moyens pour nous faire prendre des mauvais chemins, en nous indiquant celui qui nous fera perdre dans la forêt, où on rencontrera les animaux sauvages, les sorcières, les génies, les esprits, et finalement la mort.
Une fois le feu éteint, Pascal, le sacristain, recueilles les cendres, et l’assemblée retourne à l’église pour la messe et l’imposition des cendres.
Silvano Galli, sma Kolowaré (Togo), 11 mars 2019