Les larmes évoquent la peine, le chagrin. On connaît aussi les larmes de joie. Les larmes d’espérance, c’est entre les deux. L’espérance, c’est de l’espoir fondé sur le Christ, qui ne déçoit pas, à partir d’une situation présente à vous crever le coeur. Cela résume bien les sentiments de mon congé en RD Congo cet été.
Les élections
Si du point de vue politique, les tensions ont baissé d’un cran avec le fait que le président actuel n’a pas posé sa candidature pour les élections présidentielles prévues pour le 23 décembre 2018, il n’en demeure pas moins vrai que les dirigeants en place font en sorte que lesdites élections soient incertaines à la date prévue et sujettes à caution quant à la vérité des urnes. Par exemple, le gouvernement refuse toute aide extérieure pour l’organisation de ces élections alors qu’il n’a pas d’argent pour les financer en totalité. Autre point de discorde, le vote électronique que l’opposition récuse en vain comme inconstitutionnelle et qu’elle appelle « machine à tricher ». Dans cette tourmente politique, toute l’économie du pays est en arrêt. Une lourde situation de pauvreté conséquente s’est installée, fait paradoxal aux côtés des potentialités énormes du pays. Autre signe du machiavélisme des gouvernants, c’est la coupure des relations économiques bilatérales avec des puissances partenaires traditionnelles.
Devant cette situation de presque K.O. débout, l’Eglise ne se lasse pas de dénoncer les injustices et abus de pouvoir d’une part et, d’autre part, à inviter toutes les personnes de bonne volonté à la vigilance et à travailler pour la justice, la réconciliation et le relèvement de la nation.
La SMA au Congo
C’est surtout la situation de la SMA qui provoque ces larmes d’espérance. La SMA au Congo, c’est 4 postes en tout, à Kinshasa seulement : la maison régionale, la maison de formation à Kimwenza et deux paroisses avec chacune une école. Durant mes 5 semaines de congé, ils étaient 4 confrères sur les 6 présents au Congo, c’est-à-dire une personne par poste.
Paradoxalement, la visite de ces 4 postes malgré leur pauvreté et leur solitude a été pour moi un émerveillement. Le Père Kinga Séverin, supérieur régional, vit seul dans une vaste concession, toujours en chantier, mais très avancé. Il a réussi, je ne sais par quel miracle financier, à achever toutes les chambres de façade de l’étage, de sorte qu’il a pu recevoir de façon confortable la forte délégation des soeurs NDA venues pour les voeux perpétuels de la première soeur NDA de la RDC. La tenue de la maison est correcte, sa bonne table ouverte aux visiteurs. Son grand poulailler évolue bien : plus de 200 poules vont bientôt commencer à pondre. A la ferme sma, à plus de 250 km de là, il exploite 25 ha de cultures vivrières. Malgré le fourmillement des activités et d’énormes questions administratives et financières à gérer, je me demande comment il fait pour rester si serein, sans râler.
A la paroisse St Timothée où le curé était en congé, le Père Apollinaire Kakhanda, le vicaire, était pris dans des travaux de construction au Collège Mgr Brésillac, qu’il dirige également. Ce collège a un grand internat pour les garçons et pour les filles. Il passe ses journées au chantier, y prend ses repas. C’est là d’ailleurs qu’il m’a reçu. Il se tue à la tâche, avec une détermination à tenir les échéances et, encore une fois avec aussi la même douceur, le même calme et le même silence admirables. L’autre chantier à ce poste, c’est la transformation de la vieille petite église en une grande et somptueuse bâtisse pour le bon Dieu. Cela porte la main du curé.
Père Etienne Sanda était aussi seul à St Barthélémy, une grosse machine paroissiale qui tourne à fonds, et qui mériterait la présence d’au moins trois personnes. Il y existe aussi un complexe scolaire paroissial. Dans ce quartier périphérique pauvre et très peuplé, ce poste est une ancre de tous les espoirs. Même sur le départ à cette rentrée, Père Etienne est au travail sans écouter sa fatigue. Quand il commence à recevoir, il ne sait pas s’arrêter. Sa joie contagieuse reste inaltérable.
Au Foyer SMA de Kimwenza, Père Eric Yapi Yepi était seul, lui aussi. Son co-équipier était en formation en Inde. Il y a quelques séminaristes qui assurent la permanence à tour de rôle, si bien que sa solitude est moins rude. Par contre, c’est peut-être le seul endroit où quelques inquiétudes ont été soulevées en rapport avec l’éternel maigre budget de cette maison de formation, qui doit faire face aux charges liées à la scolarité et transport des étudiants à l’université. La solution pour ce poste dépend directement de Rome.
A ces confrères qui sèment patiemment des graines d’espérance pour des lendemains meilleurs, dans l’abnégation et le silence, je disais, tout en sachant que c’était impossible : « Il faut prendre un congé.» Cela me faisait de la peine à moi-même de demander d’aller en congé, tout en sachant que je ne pouvais pas offrir même une semaine, tant chacune de mes cinq semaines de congé était programmée à couvrir quelque chose quelque part. J’ai en fait beaucoup couru pour récolter des données de terrain pour une étude, sur des routes improbables : une semaine à mon barrage quand même, une semaine à Kenge, une semaine à Matari (600 km Sud de Kin), une semaine à Fatundu (400 km nord de Kin) et une semaine pour profiter de mes parents. Pour les prochains deux mois de mes vacances d’été, je vais disposer au moins deux semaines pour le service de la région afin qu’au moins l’un ou l’autre puisse aller reprendre souffle.
P. KIOSI Séraphin
(Chaponost)