Le Centre Brésillac,
C’est le lieu international où se retrouvent les séminaristes sma pour une année spirituelle. Année consacrée à la découverte de la SMA, de son charisme et de ses principales figures, (je ne suis pas encore mort ou suffisamment célèbre pour en être une ! Il est vrai aussi que je suis trop humble). Ce Centre se situe dans la région de Calavi.
Lors de l’achat, dans les années 80, il était en pleine nature. Aujourd’hui il est prisonnier de nombreuses constructions souvent anarchiques. S’il n’avait pas une surface conséquente, il serait envahit des bruits de la ville. Tout contre le mur d’entrée, tourne un moulin toute la journée. Bien que ce ne soit pas un moulin à prière, sa plainte arrive jusque dans la chapelle et fait chœur avec les grillons en louange vespérale.
Quand vous arrivez dans ce haut lieu spirituel, un grand espace de verdure vous accueille avec divers bâtisses réparties ça et là dans la propriété. Au centre, trône une maison à six côtés, sa toiture rappelant vaguement une Pagode. C’est une très belle chapelle avec des colonnes de bois sculptées évoquant différentes variétés de plantes. Un beau chemin de croix s’égrène autour de la chapelle.
J’ai l’impression d’entrer dans un « club med » avec ses bungalows, à l’abri des palmiers, cocotiers et flamboyants sur un gazon, « so british », entretenu par trente-deux gaillards et cinq professeurs. Ensemble, ils représentent 15 nationalités différentes, l’Afrique domine naturellement. Parmi les figures blanches, un seul séminariste, un Polonais. Chez l’encadrement, un Français, un Italien, un Néerlandais et un Indien. C’est vraiment la SMA d’aujourd’hui.
J’ai passé trois jours avec eux pour bien m’imprégner de leur vie et saisir quelques clichés et rushes vidéo. En fin de séjour, je pense revenir vivre en immersion une semaine entière pour mettre sur pied un scénario avec eux et compléter ma pêche à l’image. Les journées sont ponctuées par des temps de prière avec, chaque soir, avant les vêpres, un temps d’adoration ou de contemplation silencieuse à la chapelle. En ce début d’année, l’après-midi est consacré à l’étude de la langue, le français pour les anglophones et l’anglais pour les francophones. Ensuite ce sont les travaux manuels, entretien de la propriété (qui est vaste) jardinage ou soins aux animaux.
C’est une maison où la production horticole et l’élevage permettent de nourrir en grande partie les résidents. On y élève, (en plus des séminaristes), des lapins dans un formidable clapier d’une grande propreté et bien agencé, des cochons bien gras et dodus et des canards. Quelques poulets bicyclettes s’égayent dans la propriété. Une fois l’an c’est la grande battue pour réduire le nombre de ces hôtes petits mais fort bruyants. Les arbres fruitiers assurent le dessert pour toute l’année. La cuisine est alimentée au feu de bois des arbres de la propriété. André Moriceau, de la Province de Lyon, s’est lancé dans la production de papayers avec plus ou moins de réussite et la plantation de bananiers. Un champs d’ananas jouxte le jardin. Tout le monde met la main à la pâte même s’il y a deux manœuvres pour assurer un travail régulier.
Dimanche, nous avons célébré la messe d’ouverture pour l’amicale et les sympathisants de la SMA Calavi. Chacun s’est présenté. Un mois avant la rentrée, les séminaristes anglophones ont pu loger dans des familles d’accueil pour se familiariser à la langue de Molière ; Les francophones sont allés dans des familles du Nigeria pour la langue de Shakespeare.
C’est donc au Centre Brésillac que se préparent les SMA du futur. La Société des Missions Africaines a encore de beaux jours devant elle même si dans certaines régions comme le Sud, elle a plus de mal à demeurer. Le clergé local est nombreux et l’évêque a de la difficulté à les faire vivre. Les postes lucratifs sont recherchés au détriment des zones difficiles d’accès. Le missionnaire est donc appelé à partir vers les zones en marge de l’Église soit géographiques, soit sociologiques.
Rencontre avec l’archevêque Antoine Ganyé
J’ai eu la chance de pouvoir assister à la rencontre de l’archevêque et des différentes congrégations religieuses et communautés de vie apostolique de son diocèse. J’étais alors chez la famille Sohouenou et son chauffeur devait me conduire pour la rencontre de 9h30. Une canalisation ayant rompu la veille, elle a provoqué un bouchon monstre dans les différents axes de la ville. Seule solution pour arrivée à l’heure à la rencontre prendre le zèmidjan. Il y a trois ans, j’avais fait une tentative vite avortée après deux croisements dangereux effectués par un chauffeur téméraire et sans doute inconscient. J’ai préféré revenir à pied. Pourtant cette fois-ci, j’ai accepté de me laisser conduire en moto par le chauffeur qui est d’une habileté et d’une prudence remarquable.
C’est une expérience à tenter, on se trouve vraiment dans la foule. Aux feux, le vert n’est pas encore sorti que le concert de Klaxons vous envahit de toute part. En fait, à cause des bouchons et des trous d’eau nous n’allions pas vite. Malgré notre position à droite, près du trottoir, certains zèm arrivaient à nous doubler par ce côté fermé. Aux feux pour être en première ligne, ils montent sur le trottoir au mépris des piétons. Ensuite, la route s’est dégagée et on a pu prendre un peu de vitesse sur des pavés autoblocants, belle réussite pour une ville posée sur un sol sablonneux instable. La vibration due aux pavés et les muscles tendus pour rester sur la selle, m’ont certainement mieux développé les muscles fessiers que ces nouveaux appareils vibratoires couteux des salles de sport High-Tech.
La salle était pleine de voiles et de soutanes parmi lesquels se distinguaient quelques boubous colorés de confrères à l’ancienne dont je fais partie.
Plusieurs sujets ont été abordés, j’ai retenu spécialement l’intervention de l’archevêque sur la justice sociale demandant à son clergé et ses congrégations de payer correctement leurs employer. « Si vous ne pouvez pas payer, alors n’embaucher pas, ne faites pas des arrangements. Les employés doivent être déclarés à la sécurité sociale. » Cela m’a fait chaud au cœur d’entendre ces mots. J’avais dû les prononcer, il y a près de 25 ans, quand on me reprochait de trop payer Maxime notre employé. Pourtant, j’avais simplement été à l’agence de l’emploi pour connaître les salaires légaux. Deux ans après mon départ, alors que les salaires étaient remontés, celui de Maxime a été réduit ! Il ne fait parfois pas bon de travailler pour l’Église, qui pourtant prêche la justice !
Autre point abordé par Mgr Antoine Ganyé, c’est la réconciliation. Il a cité le cas d’un curé et d’un vicaire qui ne se saluaient plus et s’évitaient alors qu’ils continuaient à inviter leurs chrétiens à venir se réconcilier avec Dieu !!
Enfin il a fortement insisté sur la formation des chrétiens à la Parole de Dieu. C’est un fait constaté ici par nos confrères, le clergé a laissé tomber la formation biblique au profit de nombreuses dévotions. Certains m’ont dit que cela rapportait plus.
Il est vrai que l’Église du Sud Bénin est confrontée à de nombreuses sectes syncrétistes ou chrétiennes qui pratiquent les cérémonies de guérison, on sent la religion traditionnelle sous sous-jacente, dans laquelle le rapport à dieu est un rapport d’échanges. Je fais telle cérémonies pour obtenir cela. C’est du vrai commerce. Il est parfois plus facile et rentable de pratiquer un exorcisme que de prendre du temps à écouter la souffrance de telle ou telle personne.
L’Église de Cotonou se trouve confrontée à un nouveau fléau en la personne de Mlle Parfaite qui se présente comme l’incarnation même du Saint Esprit, elle est accompagnée d’une autre jeune fille qui se dit la réincarnation de Marie. Elles ont réussi à entraîner avec elles un prêtre qui malgré les avertissements de l’évêque a refusé d’obéir. Parfaite a décidé d’imposer les mains à ce prêtre, « car il n’a pas véritablement reçu l’Esprit lors de son ordination » dixit l’esprit-saint incarné ! Elle fera cela le jour de l’arrivée du pape. Ce qui est grave, c’est qu’elle a réussi à entraîner une grande foule de chrétiens ; elle leur annonce l’arrivée d’un monde sans souffrance, ni misère.
Mais ce qui trouble certains chrétiens, c’est qu’elle critique le clergé sur sa manière de vivre ! La langue de bois pratiquée ici prête le flan à ces attaques. En plus, elle a réussi à entraîner dans son sillage des personnages fortunés, ce qui va faciliter son développement. Ces épreuves difficiles à vivre aujourd’hui pour l’Église peuvent être la voie de la conversion et de l’humilité, seul vrai chemin vers Dieu.
Juste un petit rebond avant de terminer cette missive un peu longue. Pour vraiment ressentir Cotonou, j’ai fait à pied le circuit (pour ceux qui connaissent) Maison Régionale, Cathédrale par le vieux pont et retour par le grand marché Dantokpa et le grand pont. J’ai vu au Centre culturel Africain, une grande affiche avec le portrait de feu Kadafi et une de ses citations : Unissons nous pour défendre l’Afrique, la Libye et le pétrole. C’est la seule affiche de lui que j’ai pu voir au cours de mes pérégrinations dans Cotonou, de même que j’ai très peu vu de voiles et pas de burqa. Une des mosquées sur la route du retour avait ses deux minarets couronnés d’antennes relais téléphoniques. A Dantokpa, une pub propose de la lingerie fine de l’assemblée des Anges, lingerie essentiellement féminine alors que les anges ne sont pas sexués. Arrivé enfin dans l’îlot de verdure de la Maison Régionale, j’avais l’impression d’avoir fumé non pas un pétard mais un pot d’échappement de moto bien gras.
En écrivant ces lignes, j’entends l’école voisine et les élèves qui chantent : « Ils ne sont plus les beaux jours de l’amitié, tous mes amis ont quitté les cotonniers…» La chanson du vieux Joe, c’est toute mon enfance de louveteau et de scout. Maintenant c’est « Alouette, je te plumerai… »
Merci pour tous les messages d’encouragement et à bientôt …