Dans la SMA, nous reprenons souvent cette expression de notre Fondateur : « aller vers les plus abandonnés ». En fait, Mgr de Brésillac l’a utilisée à partir de 1856, quand, en lien avec les responsables du Vatican, il mettait au point son projet de partir en Afrique. En janvier 1856, il décrit ainsi son projet dans une lettre à l’Abbé Vian : « être envoyé chez des peuples où la lumière de la foi n’a pas encore pénétré » et il précise : « pour l’Evangélisation des peuples d’Afrique chez lesquels l’Evangile n’a pas été prêché… ou qui sont le plus dépourvus de missionnaires ».
Dans deux lettres au Cardinal Barnabo, en juin et juillet 1856, il parle de « mon entreprise pour l’évangélisation des peuples les plus abandonnés de l’Afrique » et du but qu’il se fixe : « essayer de nouvelles missions dans les pays les plus abandonnés ». En juillet 1858, il présente au Cardinal Wiseman « l’œuvre que je viens de fonder à Lyon pour l’évangélisation des peuples les plus abandonnés de l’Afrique. » Dans les articles fondamentaux de cette même année 1858, il parle des « lieux de l’Afrique où il n’y a pas de missionnaires » et ajoute : « la Société pourra accepter des missions hors d’Afrique pourvu que ce soit chez des gens de couleur. » Sur une notice sur la SMA en juillet 1858, on peut lire qu’il fonde « une société de missionnaires qui serait spécialement destinée aux lieux les plus abandonnés d’Afrique, toujours prête à répondre aux besoins du moment. »
Comment comprenons-nous aujourd’hui ce qu’a exprimé le Fondateur ? « Les plus abandonnés » dans son esprit sont d’abord ceux qui ne connaissent par la Bonne Nouvelle de Jésus. Notre vocation a toujours été liée à la première évangélisation. Mais le Pape François nous rappelle souvent que cette activité revêt à la fois la proclamation de la Parole, partout où c’est possible, et la mise en pratique du message évangélique auprès de ceux qui sont « les plus abandonnés », ce qui correspond dans le langage du Pape à ceux qui vivent « aux périphéries ». Pour nous, en tenant compte de notre histoire et du contexte de l’Afrique d’aujourd’hui, que signifie « être prêt à répondre aux besoins du moment » vis-à-vis des plus abandonnés, vis-à- vis des « périphéries ?
Il n’y a certainement pas une seule réponse à ces questions. Avant même le dernier conclave le cardinal Bergoglio avait invité les chrétiens à rejoindre « les périphéries géographiques mais également existentielles : là où réside le mystère du péché, la douleur, l’injustice, l’ignorance, là où le religieux, la pensée, sont méprisés, là où sont toutes les misères ». Les périphéries, ce sont surtout des personnes. Le Pape a appelé l’Eglise à « atteindre toutes les périphéries : les pauvres, les prisonniers, les malades, ceux qui sont tristes et seuls ». « N’ayez pas peur d’aller, et de porter le Christ en tout milieu. » Dans Evangelii gaudium, le pape invite à écouter leur « cri », comme Dieu lui-même a entendu le cri du peuple opprimé en Egypte. Il s’agit de « rendre au pauvre ce qui lui revient ». Pas d’amour sans justice, y compris par la transformation des structures de nos sociétés.
Mais parmi toutes les « périphéries », il y en certainement plusieurs qui correspondent davantage à notre vocation. L’une d’entre elles semble tout spécialement y répondre : le monde des migrants. Dans une audience lors du Forum international « Migrations et paix », le 21 février dernier au Vatican, le pape François a résumé en quatre verbes sa pensée sur lesmigrants. « Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer » : c’est « un devoir de justice, de civilisation et de solidarité ». Le Pape a souligné le caractère particulier des migrations actuelles, marquées par « les déplacements forcés, causés par les conflits, les désastres naturels, les persécutions, les changements climatiques, la violence, la pauvreté extrême et les conditions vie indignes ».
Face à l’ « ambiance de refus » qu’il constate face aux migrants, et dont il voit les racines dans un « égoïsme » amplifié par « les démagogies populistes », le Pape François appelle à « un changement d’attitude pour substituer aux peurs une attitude généreuse d’accueil envers ceux qui frappent à nos portes ». Notre Fondateur aurait certainement vibré à ces appels du Pape. La SMA actuelle y répond déjà par certains de ses membres. Devant l’ampleur du phénomène migratoire, que l’Esprit nous éclaire pour que nous allions toujours plus loin dans la réalisation de notre vocation propre.
Daniel Cardot
150, cours Gambetta
LYON