Mgr Nestor Désiré NONGO-AZIAGBIA des Missions Africaines, évêque de Bossangoa en Centrafrique est venu rendre visite à la communauté du “150”, nous en avons profité pour demander la “Nouvelle” comme on le fait habituellement en Afrique.
Au niveau institutionnel la Centrafrique a fait un grand pas avec l’élection du nouveau président Faustin-Archange Touadéra, la mise en place du gouvernement et du parlement. Donc à ce niveau-là on pourra dire que nous sommes passés d’un état de transition à un état constitutionnel établi. Le nouveau gouvernement est en train d’imprimer ses marques sur le pays en essayant de relancer le pays, c’est encore très aléatoire par ce que le gouvernement n’a pas encore la maîtrise de la totalité du territoire national. Il reste encore beaucoup de groupes armés qui opèrent sur des zones qu’ils contrôlent. Le pays est réparti très à l’Est entre les groupes de “Résistance du Seigneur” de Joseph Kony et sur le reste du territoire entre les différents mouvements ex-séléka et les anti-balaka, ainsi que les RJ (Révolution pour la Justice). Parfois il y a des alliances de convenance entre ces différents mouvements juste pour racketter qui ils peuvent piller et ainsi asseoir leur maîtrise sur la partie du territoire qu’ils contrôlent. La situation diffère d’une région à une autre, certaines populations souffrent beaucoup plus de ce contrôle par les mouvements rebelles et groupes armés.
Bangui est au sud centre du pays, dans la ville même de Bangui, on continue à parler d’une enclave musulmane au kilomètre cinq. Je ne parlerai pas, en ce qui me concerne, d’enclave musulmane parce que même la population musulmane de ce grand quartier de Bangui est prise en otage par des groupes armés qui imposent leur loi, les commerçant musulmans, pour la plupart tchadiens et beaucoup de centrafricains, ne peuvent pas exercer librement parce que ces Seigneurs de guerre qui se sont établis là, dans ce quartier prélèvent des taxes sur les commerçants, ce qui ne profite pas à l’état ni au gouvernement. Ceux qui n’ont pas les armes subissent la loi de ceux qui ont les armes, musulmans ou pas musulmans.
Dans la ville même de Bossangoa, ce sont les anti-balaka qui sont présents. En sortant de Bossango et en se dirigeant vers le nord, on rencontre les RJ et les ex-séléka, le mouvement qui dépend d’un soit disant général Al Kathim. Il y a aussi une autre faction d’un autre général, un mercenaire nigérian qui est établi plus à l’est du pays, il prétend protéger les Peuls, mais la réalité est toute autre parce que les Peuls sont aussi bien arnaqués par les différents mouvements ex-séléka, les RJ et par les anti-balaka. Donc la réalité est très complexe sur le terrain. Entre Bangui et Bossangoa, il n’y a pas de barrières illégales, elles sont régies par les forces de défense nationale et la gendarmerie.
La conférence des évêques de Centrafrique continue à suivre avec beaucoup d’attention la situation socio-sécuritaire dans le pays. De manière générale, nous tenons deux conférences par an, en janvier et en juin. La conférence du mois de janvier nous permet de nous prononcer par rapport à la situation du pays et faire une déclaration, celle de juin est orientée vers la formation des évêques. Depuis la dernière élection nous n’avons pas produit de déclaration, la dernière déclaration, c’était d’inviter la population à choisir l’homme ou bien la femme qu’il faut pour sortir le pays de cette crise. Il y a certainement d’autres défis que nous adresserons à l’occasion de notre prochaine conférence épiscopale en janvier. Le pays compte neuf diocèses avec neuf évêques, parmi lesquels 4 Centrafricains, 1 Ghanéen sma, et 4 Occidentaux.
La situation générale du diocèse de Bossangoa s’est beaucoup apaisée depuis le début de la crise. Les déplacés qui se trouvaient à l’évêché de Bossangoa sont tous rentrés chez eux, il reste encore quelques déplacés à Batangafo, au Nord-Est du diocèse et à Bouka dans le doyenné de l’Ouest. En matière de sécurité, le diocèse est réparti entre différents groupes armés, au Sud, se sont davantage les anti-balaka, à l’Est, l’ex-séléka et au Nord, les RJ. Entre les différents groupes armés, il y a parfois des alliances de circonstance pour traquer les Peuls et leur prendre des bœufs. L’armée centrafricaines est encore sous embargo des Nations Unies, la sécurité du pays est assurée par les forces des Nations Unies, les casques bleus. La grande préoccupation, pour le moment, c’est le désarment, paradoxalement, il n’y a aucune visibilité concernant un programme de désarment des groupes armés, ces derniers sont libres de faire ce qu’ils veulent et opèrent comme bon leur semble.
Concernant mon diocèse, j’ai réussi à relancer toutes les paroisses à l’exception d’une paroisse qui était tenue par les capucins car les infrastructures ont été complètement saccagées, vandalisées. Elle est donc sous l’administration du curé d’une paroisse voisine. Nous avons relancé les différentes activités, la formation des catéchistes au niveau des doyennés, l’accompagnement des différents mouvements et fraternités au niveau du diocèse. La pastorale sociale dans le domaine de la santé et de l’éducation a aussi repris. Dans certains endroits, il faut réhabiliter les infrastructures : plusieurs centres de santé ont besoin d’être réhabilité, il en est de même pour certaines écoles qui ont besoin d’être réaménagées et équipées. En tant que président préfectoral du comité de cohésion social, je suis en contact régulier avec la population du diocèse. Les grands besoins exprimés par cette population portent sur la formation professionnelle. Avec la Caritas et la commission Justice & Paix, on essaie de mettre en place certains programmes, certains projets avec l’appuis de confrères sma de Lyon, de Strasbourg et d’Irlande, avec la Province des Capucins de France, j’ai pu relancer la menuiserie, le garage est en perspective. Il y a un centre de formation en informatique qui est construit, on attend de trouver des financements pour l’équiper. La Caritas appuie les groupements, avec l’appui d’un jeune bénévole Irlandais, nous avons pu mobiliser de l’argent pour aider certaines familles vraiment éprouvées à reconstruire leur maison. Il y a tout un projet pour l’accompagnement des femmes dans la fabrication de savons, en couture et autres ou bien de la fabrication de beurre de karité, ce sont des projets qui nécessitent certains financements.
Je suis en tournée en Europe pour présenter les besoins du diocèse et voir comment solliciter la générosité des amis pour appuyer les efforts que nous sommes en train de faire pour le diocèse.
La solidarité n’est pas un vain mot. De notre côté à Bossangoa, nous sommes reconnaissants des petits gestes qui sont faits au jour le jour pour appuyer les efforts que nous faisons. Ceux qui bénéficient de cette générosité sont très heureux et par ma voix, ils expriment leur reconnaissance.
propos recueillis par Gérard Sagnol, sma