- Pouvez-vous nous parler de votre travail dans la pastorale des personnes en déplacement dans votre pays d’action ? Quelle a été l’inspiration et la vision de ce travail ? Quand avez-vous commencé à travailler sur ce projet et quel est votre rôle ?
Je coordonne le Service Pastoral des Migrants que nous avons débuté à Niamey au NIGER, pour le compte du diocèse, depuis 2011. Nous voyons les migrants comme ‘un signe des temps’ qui interpelle l’Eglise et la société. Dans cette vision nous nous considérons nous-mêmes comme des ‘migrants’, car vivre c’est migrer et au fond migrer c’est vivre ! Pour nous les migrants ne sont pas des VICTIMES mais des personnes qui ont choisi, plus ou moins librement et consciemment un projet migratoire. Le fondement de notre engagement vis-à-vis du fait migratoire pourrait se résumer ainsi. Libres de rester, libres de partir. Ceux deux droits doivent être respectés par les décideurs politiques et les associations ou entités qui travaillent avec les migrants.
- Comment la pandémie causée par Covid-19 a-t-elle affecté votre travail ? Quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés et quels sont les principaux défis auxquels le groupe vulnérable de personnes que vous servez a été confronté pendant la pandémie ?
Il faut d’abord souligner que notre Pays n’a pratiquement pas souffert de la maladie en soi mais DES POLITIQUES qui ont entouré l’épidémie. Surtout concernant la fermeture des frontières avec les Pays environnant, le cout de la vie, le couvre-feu, la diminution des vols de l’OIM pour ramener les migrants à domicile et surtout la manipulation de la maladie pour escroquer de l’argent aux frontières et aux nombreux ‘barrages’ de la police ou douane…Bien sûr on a enregistré moins de sensibilité par rapport aux problèmes des migrants car la Covid a accaparé la totalité de la scène ! Les vulnérables, comme toujours : femmes enceintes, femmes avec des enfants, malades et refoulés surtout de l’Algérie, ont disparu du radar !
- Quels succès avez-vous enregistrés dans votre travail avec les migrants pendant la pandémie ?
D’abord il faut souligner que notre service a toujours fonctionné, à part 3 semaines de fermeture qui n’a jamais été d’ailleurs complète. A travers la collaboration avec la Caritas locale (CADEV) nous avons pu aider un certain nombre des migrants avec des repas et surtout l’assistance médicale. Mais le service plus important a été celui de présence dans un moment où tout le monde était replié sur la gestion politique de la maladie !
- Y a-t-il eu des changements dans le phénomène de la migration dans votre pays d’action au cours de cette période ? Et comment votre organisation a-t-elle réagi à ces changements ?
Les changements ont été remarquables car, tout au début du service, en 2011, le mot ‘migrant’ était ici presque inconnu…on parlait plutôt de ‘EXODANTS’ ou’ AVENTURIERS’, figures bien connues dans l’espace sahélien ! En effet la migration a existé ici depuis de siècles et dans les dernières décennies elle s’est intensifiée surtout vers le Maghreb et la Libye. Puis, sous l’impulsion des politiques européennes d’externalisation des frontières les ‘exodants’ se sont transformés en ‘migrants’ puis en ‘clandestins’, ensuite en ‘irréguliers/illégaux’ et finalement en ‘criminels’ ! Surtout après la rencontre de La Valette Europe –Afrique de 2015 et la loi de la même année du gouvernement nigérien de lutte à la traite des migrants (2015-36), la répression c’est manifesté avec un blocus de la mobilité humaine…, le vol systématique de l’argent des migrants et leur ‘libre’ destination à l’OIM, l’Organisation Internationale des Migrations pour un retour au Pays d’origine ! Notre Service a continué à accompagner les migrants dans leur difficultés et persécutions et aussi a dénoncé, avec des organisations de la Société civile, ces abus de pouvoir !
- Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent contribuer à la réalisation des quatre verbes du pape François, à savoir accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants ?
Le seul verbe que nous aimerions ajouter pour que les précédents soient réellement mis en pratique est l’application du verbe ECOUTER ! Nous pensons que cela est à la base des autres 4 verbes dont il est question. En effet seulement la possibilité offerte à l’autre d’exprimer sa vie, ses sentiments et ses attentes, pourra facilités la mise en pratique des autres passages…sinon on court le risque de ‘coloniser’ le migrant avec NOS projets sur lui !
- Quels sont les projets et les interventions prévus pour les travaux futurs dans ce domaine ?
L’écoute des histoires personnelles et souvent dramatiques des migrants est ce qui nous caractérise avec en même temps un accompagnement humain et médical. En réalité parler des migrants ici est parler des INVISIBLES, car les pauvres le sont jusqu’à quand des événements souvent dramatiques ne les font (trop tard) apparaitre, par exemple dans les naufrages de la Méditerranée ! Avec cela nous essayons d’aider, ceux qui pensent s’installer pour un temps, à aider pour le travail avec des micro-projets et, de manière occasionnelle, à travers la collaboration avec la Caritas des Etas Unis (CRS), des bons pour la nourriture. Parfois on aide aussi les migrants prisonniers qui n’ont personne pour les assister.
- Y a-t-il autre chose de pertinent ou un espoir ou un souhait que vous aimeriez partager avec nous ?
Nous aimerions que les services aux migrants n’oublient pas la dimension politique des migrations, à travers un engagement plus poussé avec la société civile et les institutions. Cela pour éviter de se transformer en ‘ambulances du système’ !
P. Mauro Armanino s.m.a., responsable du SPM,
Service pastoral des Migrants pour le diocèse de Niamey