Témoignage : Octobre, mois de la Mission
Père Luigi Maccalli
Le père des Missions Africaines, Luigi Maccalli a été enlevé par un groupe islamiste au Niger, en octobre 2018 et a passé 752 jours en captivité au Mali.
Il livre le récit de son « voyage intérieur » dans l’ouvrage “Chaînes de liberté, prisonnier du sahel” sorti en 2022.
A l’occasion du Mois de la Mission voici son témoignage sur l’essence de la Mission.
L’année 2023 a été riche pour moi en témoignage dans différentes villes d’Italie.
Habituellement, après avoir partagé mon expérience de missionnaire enlevé au Sahel, il y avait toujours un temps pour les questions du public et cette question revenait très souvent : Après ce que vous avez souffert, voulez-vous encore être missionnaire ? Retournerez-vous en Afrique ? Pourquoi ne pas être missionnaire ici,
la mission est ici aussi ?
Dans ma réponse, j’apportais toujours cette précision : « je suis missionnaire » et « je ne suis pas missionnaire ».
Dans l’imaginaire collectif, il y a encore l’idée que la mission est de faire des choses, comme des hôpitaux, des écoles, des puits, etc.
La mission est donc toujours liée aux territoires de mission, y compris l’Afrique en premier lieu. Et pourtant, il y a eu le Concile Vatican II qui a affirmé avec force : « L’Église est missionnaire par nature » (Ad Gentes n° 2). En d’autres termes, l’Église n’a pas de missions, mais elle est une mission.
Il est vrai qu’après le Concile Vatican II (1965), l’Église a traversé une période de crise et de remise en question qui se poursuit encore aujourd’hui. Les Instituts missionnaires eux-mêmes se sont interrogés sur le sens de leur identité spécifique : si nous sommes tous missionnaires, cela a-t-il encore un sens de se dire et de se donner aux missions ?
Evangeli nuntiandi (1975) du pape Paul VI est intervenu dans ce débat, faisant sortir le concept de mission de l’étroitesse du prosélytisme pour le définir comme un témoignage.
L’Évangile a été combiné avec la promotion humaine, ce qui a été une puissante inspiration pour les missionnaires.
Ensuite, il y a eu Redemptoris Missio (1990) du pape Jean-Paul II, qui a introduit l’importance du dialogue comme partie structurelle de la mission. L’univers humain, religieux et culturel est pluriel et l’Église missionnaire dialogue avec tous.
Enfin, Evangelii gaudium (2013) du pape François va au-delà du terme de « première évangélisation et nouvelle évangélisation ». L’Église est appelée à être une oasis de miséricorde et un hôpital de campagne. La mission ne s’impose pas de l’extérieur et n’est pas une activité, mais c’est une force d’amour qui attire.
La mission n’est donc pas terminée, au contraire ; le style impérial de la mission est terminé. Au contraire, l’aube d’un changement d’ère vient de commencer dans l’Église aussi. Jusqu’à présent, la religion chrétienne a joui du privilège d’être la religion d’État et a été fortement liée au pouvoir temporel. Avec Vatican II (il y a seulement 60 ans), s’est ouvert un temps nouveau, inspiré par les origines de la mission comme chemin de croix, à l’exemple du Christ : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12, 32).
Les apôtres et les communautés de la première heure ont témoigné dans la persécution d’une foi attrayante dans la fragilité et la pauvreté des moyens, dans un style hospitalier. C’est là l’essence de la mission d’hier et d’aujourd’hui : accueillir la fraternité universelle. La mission est incomplète par définition, le mois d’octobre missionnaire relance, au début de chaque année pastorale, son urgence. Nous sommes mission et cet appel m’interpelle fortement.
Père Gigi Maccalli (sma)