Jeudi 28 juin, un imam officiant dans la localité de Barkin Ladi, dans l’État du Plateau, a sauvé 262 hommes, femmes et enfants chrétiens d’un assaut perpétré par plus de 300 Peuls, pour la plupart musulmans.
Armés de machettes et de fusils, ces derniers s’en sont pris, sur le coup de trois heures de l’après-midi, à la population du petit village de Nghar Yekwah. Tirs sur plusieurs habitants (le bilan des victimes n’a pas encore été communiqué par la police), pillage de maisons, voitures incendiées…
Pris de cours, les villageois chrétiens, cédant à la panique, ont tenté de prendre la fuite. C’est alors qu’un imam voisin, alerté par les cris, a offert de les cacher, en leur ouvrant, à ses risques et périls, les portes de sa propre maison et de la mosquée locale.
Des femmes et des enfants cachés
« J’ai d’abord caché les femmes et les plus vulnérables dans ma maison. Ensuite, j’ai donné refuge aux hommes dans la mosquée », a simplement relaté le responsable religieux, qui a tenu à garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, à une journaliste de la BBC, installée dans le Plateau du Nigeria.
Mais l’imam était alors encore loin d’être au bout de sa peine. Ayant appris son geste protecteur, les Peuls se sont dirigés vers l’édifice religieux pour le « brûler » et massacrer toutes les personnes y ayant trouvé refuge.
Accompagné de plusieurs fidèles de sa communauté, l’imam a tenté de s’interposer pour barrer la route aux assaillants. Inflexible sous les salves de menaces prononcées à son encontre, il les a implorés, prostré au sol, de laisser la vie sauve à ses nombreux protégés. Avant d’enjoindre, en larmes, les éleveurs à s’enfuir. Contre toute attente, les Peuls, sans donner de raison apparente, ont alors décidé de battre en retraite, en brûlant deux églises sur le chemin de retour.
Sa « gratitude » envers la communauté chrétienne
Interrogé par la journaliste de la BBC sur les raisons pouvant justifier d’une telle bravoure, l’imam a aussi raconté, avec humilité, avoir voulu exprimer « sa gratitude » envers la communauté chrétienne, qui lui avait gracieusement cédé il y a une quarantaine d’années le terrain sur lequel fut érigée sa mosquée. Après l’offensive, les villageois sont restés pendant cinq jours dans le quartier de l’imam, avant de migrer vers un camp pour personnes déplacées.
Sans l’acte « héroïque » du leader religieux, le lourd bilan des 200 morts ayant péri dans la série d’attaques intercommunautaires perpétrées les 23 et 24 juin dans les villages avoisinants aurait pu dramatiquement enfler.
Ces derniers mois, des centaines de personnes ont en effet succombé dans ces affrontements opposant de plus en plus régulièrement les agriculteurs chrétiens de l’ethnie berom et les éleveurs de bétail musulmans peuls, de l’ethnie nomade fulani.
Une insécurité galopante
Le plus souvent, ces violences éclatent en représailles à de vieux désaccords portant sur l’accès aux terres, sur les droits de pâturage ou sur l’exploitation des ressources naturelles d’un pays en outre menacé sur d’autres fronts par le groupe djihadiste Boko Haram.
Face à la flambée de violences qui ne cesse de secouer l’État africain, les évêques nigérians ont une nouvelle fois appelé, dans un communiqué publié vendredi 29 juin, le président Muhammadu Buhari (sunnite peul, arrivé au pouvoir en 2015) à démissionner. « Si le président ne parvient pas à garantir la sécurité du pays, il a perdu la confiance des citoyens, écrivaient-ils ainsi, il ne peut plus gouverner le camp d’extermination et le cimetière de masse qu’est devenu notre pays. » (LA CROIX)