
Lors d’une journée de récollection offerte aux pères SMA en vue d’un Carême plus fécond, le père Gilles a choisi de partager non pas une méditation classique, mais le récit vivant de son parcours sacerdotal. Diocésain engagé auprès des chinois, mais aussi des musulmans qu’il rencontre dans la basilique, son témoignage a révélé une vision profondément catholique de la mission, marquée par l’ouverture, l’échange et l’humilité.
Catholique avant d’être français
D’emblée, le père Gilles a souligné un pivot de sa spiritualité, se définissant d’abord comme catholique, ensuite comme français. Une conviction forgée par l’influence de Charles de Foucauld, dont il a retenu cette essence : la catholicité de l’Église ne se mesure ni en nombre, ni en territoire, ni en pouvoir, mais dans sa capacité à être « signe d’unité avec Dieu et signe d’unité du genre humain » (Vatican II). Pour lui, être missionnaire aujourd’hui, c’est renoncer à une attitude conquérante pour embrasser une « fécondité dans l’échange » : « Ce n’est pas d’abord en cherchant à convertir l’autre que je vis ma joie de prêtre, mais en recevant ce qu’il m’apporte. »
La Chine, un terrain de paradoxes et d’espérance
Son service auprès de la communauté chinoise a bousculé ses préjugés. Loin des clichés sur une Chine hostile aux chrétiens, il a découvert un « potentiel de dialogue » inattendu. Même les autorités locales, ont salué son engagement, et il s’est créé des ponts avec les associations chinoises non chrétiennes. « La Chine, ce sont des paradoxes qu’on ne peut enfermer dans des slogans », insiste-t-il, évoquant aussi les liens entre Chine et Afrique, où la présence chinoise ouvre de nouveaux défis missionnaires.
La Basilique de Fourvière : un lieu de silence et de secours
À Lyon, la basilique de Fourvière est ainsi devenue un espace de prière retrouvée. A cause du confinement, l’adoration eucharistique a quitté les chapelles secondaires pour investir la nef, attirant des visiteurs insoupçonnés : « Des athées me disent : “Ça me fait du bien de venir ici, j’ai envie de connaître l’Évangile.” » Lieu de consolation, Fourvière accueille aussi des détresses concrètes, comme ces femmes africaines élevant seules leurs enfants, venues « trier leurs galères devant la Vierge ».
Rencontres avec l’islam : la grâce de l’amitié
Son dialogue avec des musulmans a transformé sa vision de la mission. Un jeune Marocain rencontré après l’adoration où il était resté plongé dans une prière fervente l’a interpellé. « Il lit le Coran pour s’en inspirer, comme je lis ma Bible. » Cette rencontre a dissipé bien des clichés. Avec d’autres, il anime désormais des rencontres chrétiens-musulmans, vivant des moments de fraternité bouleversantes, comme une minute de silence commune après un attentat. « Avant de voir le diable dans l’islam, regardons notre orgueil de catholiques », confie-t-il, citant Foucauld : « La mission commence par le témoignage de la fraternité. » Alors le partage de notre foi dans le Christ devient cadeau fraternel.
La joie d’être catholique aujourd’hui
« Je suis heureux d’être catholique dans ce monde d’aujourd’hui », conclut le père Gilles. Son parcours, marqué par la déconstruction des identités rigides, illustre une Église qui ne craint pas la rencontre. En écho à Foucauld, il rappelle que la mission est d’abord un « émerveillement » devant l’œuvre de l’Esprit – bien au-delà des frontières visibles.
Une invitation à vivre le Carême non en conquérants, mais en artisans d’unité, « car c’est en recevant l’autre que l’Évangile devient fécond ».
Par Dominic Wabwireh, sma.